Haute-Savoie/Savoie : avec le confinement, l’augmentation des violences conjugales inquiète

En Savoie et Haute-Savoie, associations et forces de l’ordre sont mobilisées pour gérer au mieux les violences conjugales. (Photo d’illustration)
En Savoie et Haute-Savoie, associations et forces de l’ordre sont mobilisées pour gérer au mieux les violences conjugales. (Photo d’illustration)

Restez chez vous. Ce slogan tant prononcé ces dernières semaines, depuis l’annonce du confinement, incite les Français à respecter les mesures prises par le gouvernement. Mais il perd tout son sens lorsque le foyer est le lieu de violences conjugales. « Les gens sont enfermés chez eux, souvent sous pression due à l’actualité, et cela peut favoriser les violences au sein même du foyer », fait savoir un commandant de police à Chambéry. « Le confinement est propice à ces violences, et il complique la situation des victimes, qui sont majoritairement des femmes, mais aussi parfois des hommes » complète Nathalie Saint-Denis de l’association AVIJ des Savoie (Aide aux Victimes et d’Intervention Judiciaire).

+ 35 % de signalements de violences conjugales

Depuis le début du confinement, plusieurs femmes ont déjà perdu la vie sous les coups de leurs conjoints en France. Une situation inédite, qui interpelle fortement les associations concernées. « On a noté une augmentation de 35 % des signalements de femmes battues depuis le premier jour », déplore Marie-Pierre Clément, membre de Nous Toutes 73, qui lutte contre les violences sexistes et sexuelles. L’antenne 74, elle, dénombre « entre quatre et cinq féminicides sur l’hexagone », ce qui en fait plus d’un par semaine.

L’association a pour but de recueillir les appels et témoignages des victimes, pour ensuite les rediriger vers des structures plus aptes à s’en occuper. « Nous sommes un relais discret, car on fonctionne énormément par mails et messages, ce qui permet aux victimes de nous contacter avec une crainte moindre que le conjoint le découvre », explique-t-elle. Marine Lachenal, de l’association Nous Toutes 74, ajoute que « les victimes ne sont pas toujours écoutées. On a récemment eu l’exemple à Groisy, où la gendarmerie a refusé de laisser rentrer une femme qui voulait porter plainte pour violences conjugales ».

Des associations comme SaVoie de Femme, l’AVIJ ou Putain de Guerrières prennent ensuite le relais. « Comme l’accueil physique n’est plus possible, on assure une permanence téléphonique, qui vient compléter celle assurer par la police et la gendarmerie », rapporte une des membres de SaVoie de Femme.

« Presque exclusivement des nouvelles situations »

Depuis trois semaines, l’association reçoit des appels concernant « presque exclusivement des nouvelles situations », c’est-à-dire de la part de femmes n’ayant jamais sollicité l’association auparavant. « La quantité d’appels en revanche est très variable, car malheureusement, le confinement empêche de nombreuses femmes de pouvoir appeler », souligne SaVoie de Femme.

La suite du déroulé est similaire au reste de l’année. « On analyse l’appel. Si la personne se sent en danger, on fait directement intervenir le 17 ou encore le 115 si un hébergement d’urgence est nécessaire », poursuit l’association. Un fait pour lequel Nous Toutes 73 milite. « On voudrait favoriser le départ du conjoint du foyer, pour éviter à la victime de le faire », assure Marie-Pierre Clément.

Des logements libres recherchés

« Chaque appel est différent. Si on sent la personne en danger, on fait intervenir le 17, sinon on essaye de gérer par nous-même » fait savoir Nathalie Saint-Denis. De son côté, Nous Toutes 74 est constamment à la recherche de logements libres. « Plusieurs personnes nous contactent en nous disant avoir un appartement de disponible pour les victimes qui ont besoin de se reloger, c’est une vraie chaîne de solidarité » se réjouit Marine Lachenal.

Pour rappel, à l’heure où nous écrivons ces lignes, 27 femmes ont perdu la vie sous les coups de leur conjoint depuis le 1er janvier 2020.

Si vous êtes victimes de violences conjugales, vous pouvez appeler le 17, le 39 19 ou envoyer un SMS au 114.

«Une question de santé publique essentielle» pour les pharmacies

Par crainte d’une montée des violences intrafamiliales pendant le confinement, le ministère de l’intérieur a mis en place la possibilité pour les victimes de se signaler dans la pharmacie la plus proche de leur domicile. « Et on ne peut être que satisfait qu‘un tel dispositif vienne en aide à des femmes ou des enfants battus », assure une pharmacienne du centre de Chambéry.

Si le principe est défendu par les officines, la communication sur un tel dispositif pose un cas de conscience pour nombre d’entre eux. « Imaginez, comment une femme pourra dire je vais à la pharmacie chercher une boîte de doliprane si son mari qui la bat le sait ? Elle n’osera pas », craint un pharmacien aixois.

Présentée aux pharmaciens par la police, la gendarmerie et les médecins, la démarche vient formaliser ce qui se faisait déjà dans les faits. «  Quand une femme est dans ce genre de difficultés, le pharmacien s’en rend bien compte et fait le nécessaire. Il intervient », précise le président de l’ordre des pharmaciens de Savoie Vincent Viel.

Selon une autre pharmacienne chambérienne, l’atout principal des pharmaciens pour venir en aide aux personnes victimes de violences réside dans le fait « qu’on est tout le temps ouvert. En temps normal il y a d’autres organismes prioritaires. Pour le moment, aucun signalement ne s’est fait dans ma pharmacie mais s’il devait en avoir on devra déterminer si les violences sont sexuelles ou non, psychologiques ou physiques. En fonction, on les dirigera vers des numéros verts à cet effet ou aux urgences à l’hôpital, dans un service dédié ».

« C’est une question de santé publique essentielle », souligne Vincent Viel.