Assise devant son avocate, la jeune femme se tient droite, ne regarde jamais son agresseur et lâche quelques larmes de temps en temps. Au mois de décembre 2022, elle a subi une fausse couche puis une opération particulièrement douloureuse. Pour lui apporter un peu de bien-être, sa maman lui a offert un massage. Le 10 janvier, elle passe pour la première fois entre les mains de Jean-Paul : la séance se passe, affirme-t-elle, plutôt bien : nue, elle se fait masser sur tout le corps, il lui effleure les seins, le clitoris « mais je me suis laissée faire, j’avais confiance ». À la fin, Jean-Claude lui demande si sa main sur ses parties intimes l’a dérangée. Non. Alors il lui propose une seconde séance, gratuite, temps illimité, il vient même la chercher chez elle ! Le massage se fait beaucoup plus intrusif, il lui rentre deux doigts dans le sexe et finit par les enlever car la jeune femme se contracte et pleure. Elle se tait, mais son corps dit non. « Il m’a fait mal, mais je n’ai rien dit jusqu’à la fin ». Invitée par son ami à porter plainte, elle raconte sa vulnérabilité aux gendarmes, le procès aux Assises gagné contre son père alors qu’elle n’avait que 17 ans.
« Je ne suis pas un prédateur »
La juge Michelle Raffin évoque les auditions des témoins. Beaucoup de femmes massées par Jean-Claude confient « c’était « tendancieux », « border-line », « malaisant », « ambigu ». Les rumeurs d’attouchements circulent, mais jamais personne n’a porté plainte. « Son problème, explique une amie, c’est qu’il n’explique pas assez ce qu’il va faire ».
Invité à s’exprimer, Jean-Claude assure que quand il pénètre les parties intimes, c’est avec des pierres, « mes phalanges rentrent sur deux centimètres à peine » Et surtout, il précise son protocole, un entretien de 5 minutes avec le ou la cliente où il questionne sur la nudité, les parties du corps qu’il ou elle ne veut pas que l’on touche. « Je demande sincèrement pardon à cette jeune femme. J’ai pu passer à côté de mon entretien et ne pas retenir ce qu’elle ne désirait pas que je lui fasse ». Après avoir précisé que 10 % des femmes souhaitent qu’il introduise ses doigts dans le vagin, il répète encore et encore : « Je ne suis pas un prédateur, je fais ça pour apporter du bien-être et canaliser les énergies ». « Le massage effectué sur la victime, ça peut constituer une agression sexuelle ? », interroge la juge. Silence. « Il n’y avait aucune intention sexuelle », tranche Jean-Paul .
« C’est devenu une poupée de chiffon »
Tremblante, la demoiselle admet qu’elle lui a accordé toute sa confiance, qu’elle a lâché prise. « Mais ça a été trop loin. Ce qu’il en résulte, ce n’est pas du bien-être, ce sont des blocages, des douleurs, une perte de confiance en moi, un mal-être corporel. Ce qu’il fait, c’est malsain ».
Maître Jakubiak-Gros rebondit sur les paroles de sa cliente « le prévenu a de la chance, ce qu’il a commis, ça aurait pu être qualifié de viol. Il cherche surtout à se faire du bien lui-même. Entre ses mains, ma cliente est devenue une poupée de chiffon, elle s’est dissociée, elle l’a repoussée à plusieurs reprises avant de s’éteindre ».
La procureure de la République en convient, Jean-Paul aurait pu comparaître aux Assises. Elle a retenu la surprise pour caractériser l’agression sexuelle : « Elle était fragile physiquement et psychologiquement, elle avait 24 ans, lui 68 ans, elle lui faisait confiance ». En plus d’une peine de 24 mois de prison dont 12 ferme avec aménagement sous forme de bracelet électronique, elle requiert l’interdiction d’exercer les massages pendant 5 ans et l’inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles.
Maître Paradan insiste : avant qu’une plainte ne soit déposée contre lui, Jean-Paul a pratiqué plus de 1000 massages : « Et pas dans une chambre de bonne, mais dans des établissements ayant pignon sur rue. Si c’était un prédateur, il ne serait pas passé à travers les mailles du filet ! » Il insiste aussi sur son parcours : « Le massage l’a aidé dans son face-à-face avec le cancer, la mort, la douleur physique et psychique. Il est convaincu que le massage peut nettoyer la souffrance ».
Le prévenu a été condamné à 24 mois de prison dont 16 mois avec sursis probatoire pendant 5 ans et interdiction de masser pendant 5 ans.