Albertville : le dispositif Emile prend de l’ampleur

La minute de silence a été «de qualité» selon Pap Ndiaye.
La minute de silence a été «de qualité» selon Pap Ndiaye.

Dans le cadre de sa visite au collège de la Combe de Savoie le 23 février dernier et de son intention de réformer la 6e (cycle 3), Pap Ndiaye, le ministre de l’Éducation Nationale est venu à la rencontre d’une équipe enseignante et de son directeur, Olivier Miquet, engagés pour la réussite de leurs élèves. Les dispositifs « Coup de pouce » mis en place avec le soutien du projet « Apprenance », et « Emile » ont été présentés au ministre. Pour clore la journée, il a participé à une table ronde autour des enjeux de la liaison école-collège.

Le bon élève Emile

Le dispositif Emile (Enseignement de matières par l’intégration d’une langue étrangère) a été lancé en 2013 à l’école maternelle Saint-Sigismond et l’école élémentaire Albert Bar. Quelques années plus tard, la poursuite s’est étendue au collège de la Combe de Savoie. Alors que 50 % des enseignements sont proposés en anglais en primaire, au collège, ils couvrent environ 40 % (mathématiques et histoire-géographie jusqu’en 4e  ; technologie, musique, EPS, physique jusqu’à la 3e).

Une continuité rendue possible grâce aux professeurs volontaires qui possèdent une homologation leur donnant la possibilité d’enseigner leur discipline en anglais. Chacun a validé cette certification exigeante auprès du rectorat. Olivier Miquet rappelle qu’aucun moyen supplémentaire n’a été alloué pour mettre en place ce dispositif. Les enseignants se sont investis de leur propre chef et sur leur temps.

Emile, n’est-il pas élitiste ?

Le constat est indiscutable reconnaît Olivier Miquet. Ce « cursus » a engendré une problématique qui n’avait peut-être pas été anticipée : le cloisonnement des élèves. Les enfants entrent à l’école maternelle et ce groupe-classe restait identique et indissociable jusqu’à la fin de la 3e. La classe arrivait intégralement constituée au collège. Le défi était donc de permettre un brassage et casser cette image d’excellence pour l’ouvrir à davantage d’élèves.

Depuis 2021, le collège a ouvert une deuxième classe Emile de 24 places en accueillant des « néo-Emile » issus du REP (Réseau d’éducation prioritaire) d’Albertville. Emile représente donc 48 élèves, soit plus d’un quart de l’effectif en 6e. Une évolution qui représente un effort particulier de la part des enseignants.

« Yes you can ! »

Les « neo-Emile » ont également un investissement important à fournir. Les élèves sont sélectionnés grâce aux recommandations de leur précédent enseignant du primaire. Les enfants ne sont pas choisis sur le critère de leur seule réussite. Il ne s’agit pas de recruter des « talents » mais bien de donner leur chance à des élèves méritants souvent de classe sociale inférieure. Le recrutement va se porter sur des qualités personnelles telles que la motivation, l’autonomie et la capacité d’adaptation. Par exemple, certains enfants peuvent parler une langue maternelle autre que le français, ils peuvent ainsi être prédisposés à l’apprentissage d’une langue supplémentaire. Ces élèves parviennent en général à rattraper leur retard linguistique et à poursuivre leur scolarité sans difficulté majeure jusqu’en 3e.

Avec cette volonté de s’ouvrir sur un public prioritaire, sur les 24 places « neo-Emile », 12 élèves sont issus du REP et 12 des écoles rattachées du secteur comme Grignon ou encore Mercury. Sur cet effectif, seuls deux élèves ont souhaité abandonner et réintégrer une scolarité classique.

Liaison école-collège: ils ont fait part de leur inquiétude au ministre

Sur le renforcement de la liaison école-collège, les enseignants présents ont fait part au ministre de leurs réserves.Un échange riche entre les différents intervenants.

Une liaison utopique ?

Thomas Perrad, directeur de l’école du Val des Roses, a rappelé que les enseignants de cycle 3 ont un emploi du temps chargé. La plupart arrivent aux alentours de 7h30, ne repartent que vers 18h et, bien souvent, déjeunent en 1/2h. Leur investissement est important, comme pour la plupart dans les écoles d’Albertville. Il a souligné que certains s’étaient mobilisés sur des « stages réussite » pendant les vacances. Le bénéfice était clairement visible, notamment pour les élèves en grande difficulté pour lesquels les enseignants ont noté moins de perte pendant les vacances scolaires.

Laurence Paga-Guerra, coordinatrice REP au collège de la Combe de Savoie, estime que cette liaison ne fonctionne pas malgré la bonne volonté de chacun, de part et d’autre. Plusieurs outils ont été expérimentés tels que des visites, des parrainages… mais la liaison repose essentiellement sur les enseignants du primaire comme du secondaire qui ont une charge de travail qui n’est pas extensible. Trouver des temps d’échange commun relève pratiquement de l’impossible.

Une enseignante a insisté sur les exigences de plus en plus importantes pesant sur les enseignants qui accueillent parfois des élèves en situation de handicap, ou des élèves allophones qui exigent beaucoup d’adaptation. Un professeur des écoles est multidisciplinaire alors qu’au collège on n’a pas cette transversalité et la vision d’ensemble de l’élève.

Et après ?

Il n’y a pas encore de poursuite possible au niveau du lycée. Certains vont intégrer les classes Anglais section européenne au lycée Jean Moulin, d’autres vont aller vers une section binationale à Grenoble ou à Chambéry et enfin ils peuvent regagner un cursus général.