Vers une législation encadrée du cannabis
Légaliser le cannabis en France, les débats sont récurrents aussi bien que partagés et pour l’heure la balance penche pour l’interdiction, sauf sur avis médical. Avec un appareil répressif parmi les plus lourds en Europe.
La question s’est posée au sein du CESE, ce conseil consultatif formé de la société civile et des syndicats (233 membres), et il a travaillé longuement à auditionner de nombreuses personnes, à de multiples rencontres et échanges sur le terrain. Pour aboutir, au terme de cette large étude à un avis favorable intitulé « Cannabis : sortir du statu quo, vers une légalisation encadrée ». Une législation encadrée des usages dits récréatifs du cannabis.
« Il est temps de s’interroger sur les limites du système actuel. Nous n’incitons pas du tout à la consommation de cannabis, cela reste une drogue à combattre. Mais à partir d’un moment, il faut savoir changer de méthode quand nous sommes en échec », a indiqué Jean-François Naton qui a présidé la commission d’étude.
Face à l’échec actuel des politiques répressives
Une telle option a été validée face à un certain échec des politiques actuelles et plutôt répressives en France. « Malgré la mise en place d’un système de prohibition depuis plus de 50 ans, un des plus répressifs d’Europe, la France est le pays de l’Union européenne qui compte en proportion le plus de consommateurs et de consommatrices de stupéfiants, avec 45 % des 15-64 ans qui ont déjà̀ consommé du cannabis au moins une fois au cours de leur vie, contre 27 % dans l’ensemble de l’Union européenne, selon l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies », peut-on lire sur le site du CESE.
Des propositions concrètes
Pour encadrer : le CESE préconise la mise en place « d’une véritable politique publique de prévention et de réduction des risques spécifique au cannabis, intégrée à l’ensemble des conduites addictives, et recommande un renforcement de la répression du trafic visant directement les mineurs, en mobilisant si nécessaire l’assistance éducative judiciaire, et en créant des structures d’accueil et de soins spécifiques ».
Du préventif, de l’éducatif, du répressif ciblé adapté. De la protection pour les mineurs.
Pour ouvrir : l’organe consultatif avance la proposition de « ne plus sanctionner pénalement l’usage et la culture du cannabis à titre personnel, et préconise de revoir le dépistage du cannabis au volant, en sanctionnant uniquement l’emprise, et en développant l’étude scientifique et l’opérationnalité de la mise en œuvre des tests comportementaux ».
De l’ouverture pour tenter d’assécher le marché. « Partout où la légalisation s’est mise en œuvre, nous avons constaté des résultats satisfaisants en termes de consommation. C’est tout le paradoxe : quand le cannabis est légalisé, il est moins consommé. Parce qu’il est possible de mettre en place une politique de prévention » a encore souligné le CESE.
Pour réguler : « en l’autorisant aux seules personnes majeures dans des points de vente dédiés soumis à licence, en soumettant les distributeurs à une formation obligatoire à la prévention et la réduction des risques actualisée régulièrement, et en assurant l’affichage obligatoire des taux des principaux cannabinoïdes et des profils aromatiques aux côtés de messages préventifs de santé publique ».
Pour la qualité et la traçabilité : le CESE a opté pour une agriculture biologique du cannabis : « la norme en matière de production, tout en encadrant le volume ou les surfaces consacrés à cette culture, et en assurant une traçabilité complète et transparente de la graine à la consommation grâce à une « blockchain » publique, sous contrôle des services de l’État ».
Pour un institut national : plus largement et institutionnellement, le conseil appelle à « créer un institut national du cannabis sous l’égide de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives pour développer la recherche fondamentale et diffuser une information claire, objective et accessible sur le cannabis ».
Avec seulement un avis consultatif, le CESE en apportant sa pierre à la confrontation sur la légalisation du cannabis, participera-t-il au changement des mentalités, de l’appareil législatif ? Si l’Allemagne peut aller vers cette législation dès 2024, la France n’est pour l’heure pas sur un tempo aussi rapide. De telles modifications si elles devaient intervenir, ne s’opéreraient pas avant longtemps.