Gédéon Regard, photographe des années 1900, s’expose à la Bibliothèque de Genève

L'un des clichés les plus connus de Gédéon Regard, qui illustre parfaitement ces portraits de la vie locale du Genevois du début du XX e  siècle. (Gédéon Regard/Bibliothèque de Genève)
L'un des clichés les plus connus de Gédéon Regard, qui illustre parfaitement ces portraits de la vie locale du Genevois du début du XX e siècle. (Gédéon Regard/Bibliothèque de Genève)

Le fond « Gédéon Regard », c’est une collection exceptionnelle de 4000 plaques de verre 13 x 18 cm sur la vie du Genevois haut-savoyard des années 1905 à 1918. Cet héritage inestimable est passé tout près de la destruction totale, en 1968, avant d’être sauvé in extremis par Raymond Bélissard, un photographe de Veyrier (Genève) attaché au patrimoine local. A la mort de ce dernier, en 2010, sa veuve a fait don de la collection à Cyrille Girardet, photographe professionnel également installé à Veyrier.

Rénover pour mieux contempler

Bien conscient de la valeur patrimoniale exceptionnelle de ces 4000 plaques de verre, le curateur de la « collection Bélissard » a entrepris un patient travail de rénovation, d’identification, de stockage et de publication de ces négatifs vieux d’un siècle. Un travail réalisé en collaboration avec le Centre d’Iconographie de Genève, qui permet aujourd’hui au public de découvrir à la Bibliothèque de Genève cette belle exposition d’une quarantaine de clichés de Gédéon Regard. Cette expo offre un intéressant portrait de ce qu’était le Grand Genève entre 1905 et 1918, période allant de la Belle Époque à la Première Guerre mondiale, qui va bouleverser la France des villes et des campagnes. « Gédéon Regard est un photographe professionnel autodidacte, qui a son propre matériel, se déplace pour aller prendre en photo les gens. Il est un peu l’envers de Fred Boissonnas, le grand photographe genevois qui travaille en studio avec des moyens importants  », détaille Eloi Contesse, le commissaire de l’expo.

Des photographes humbles au service du peuple

Gédéon Regard était une sorte de photographe du peuple qui, moyennant paiement, immortalise sur ses plaques de verre les gens ordinaires de ce Genevois haut-savoyard alors très rural. Toujours soignés, ses clichés ont aussi permis à Gédéon Regard d’éditer près de 800 cartes postales, principalement centrées sur les villages et villes du Genevois, mais avec aussi quelques excursions à Genève, Annecy, Samoëns et Chamonix. En parallèle à l’expo Regard à la Bibliothèque de Genève, l’association Paysalp de Viuz-en-Sallaz propose à la médiathèque de Fillinges une exposition de photos d’Adrien Bonnefoy, ancien maire de la commune. Né en 1886, cet élu se passionne pour la photographie, qu’il pratique dès son adolescence, développant dans sa chambre noire ses clichés. Il a immortalisé à travers ses objectifs, entre 1910 et 1950, la vie de Fillinges et ses habitants, sa famille, ses voyages. Il poursuivra ce formidable travail de captation derrière une caméra à partir de 1928.

Pour en savoir plus

L’exposition « Regards croisés » est à découvrir jusqu’au 3 juin, tous les jours sauf le dimanche, à la Bibliothèque de Genève (lundi au vendredi de 9h30 à 18h, samedi de 9h30 à 12h). Visite guidée le samedi 11 février, de 10h30 à 11h15. Entrée libre. En parallèle, l’exposition des photographies d’Adrien Bonnefoy est visible jusqu’au 18 mars à la médiathèque de Fillinges. Entrée libre, visite commentée le vendredi 10 février à 18h. Les clichés de Gédéon Regard sont à découvrir sur internet à l’adresse des sites du Centre d’iconographie de Genève et de la société d’histoire régionale la Salévienne.

La vie singulière de Gédéon Regard

La Tour des Pitons, au Salève, avec un chamois sur le rocher de la Sorcière, une carte postale truquée réalisée par Gédéon Regard.

Dans une première vie, Gédéon Regard (1871-1918) fut voyageur de commerce, dans la Sarthe et à Lyon. Mais il s’est un jour rendu à l’évidence, avec un nom pareil, il ne pouvait être que photographe ! C’est donc la profession qu’il exerce à son retour à Malchamp, hameau protestant au cœur d’un Genevois très catholique. Ses premières cartes postales, estampillées « GR » ou « éditions savoisiennes », paraissent en 1908, suivies de milliers de clichés consacrés à la vie locale du Genevois.

Un visionnaire

Quand il réalisait une photo destinée à une carte postale, notre homme prenait soin d’aller chercher quelques habitants du village – paysans, enfants, etc. – ainsi qu’un ou deux chars, un cheval ou un chien, qu’il mettait en scène avec grand soin avant de prendre sa photo. Il lui arrivait même de réaliser des trucages, comme sur la carte postale du Salève présenté ici, où l’artiste a rajouté sur la photo un chamois perché sur le rocher de la Sorcière ! Son abondante production est étonnante, car sa carrière n’aura duré qu’une dizaine d’années. En effet, Gédéon Regard est mort prématurément de la grippe espagnole en octobre 1918 à l’âge de 47 ans, tout comme sa femme Albertine, décédée trois jours après lui. Le couple a laissé cinq enfants, élevés par les sœurs de Gédéon. Son frère Théophile, directeur d’école, reprendra l’atelier de photographie, mais en limitant son activité à des clichés de paysages et à la reproduction de cartes postales à partir des plaques de verre réalisées par Gédéon.