Bellegarde comptait deux autres filatures à la Belle Epoque. La filature de la Ramie fut fondée en 1896, en même temps que la Lorze qu’elle jouxtait. Si cette dernière travaillait la soie, elle produisait des fils à partir des fibres d’une plante voisine de l’ortie. Sa matière première était importée des colonies d’Extrême-Orient et acheminée par le train, depuis le port de Marseille.
Fondateurs suisses
Les deux filatures avaient plusieurs points communs. D’abord, son fondateur était également un Suisse : Emile Pümpin. De plus, l’usine se composait également d’un vaste bâtiment allongé et en toit de sheds, d’une chaufferie avec sa cheminée et des maisons du contremaître et du concierge. L’entreprise connut, toutefois, de nombreuses difficultés et fut éphémère.
Un incendie la ravagea en 1908. Un rachat, en 1903, sous le nom de la Société anonyme de filature de Ramie de Bellegarde, ne permit pas d’empêcher la faillite en 1909, malgré les investissements effectués, les locaux furent rachetés par les laboratoires Sauter.
La filature de Bourrette et de Schappe était une autre filature qui occupait l’autre partie du plateau de Bellegarde, après la papeterie Darblay. Elle avait été fondée en 1900, lorsque Pétrus Paillac, propriétaire d’une filature, à Thizy, dans le Rhône, acheta le terrain d’un hectare qu’occupait auparavant une usine de pâte à papier. La succursale de Bellegarde disposait de l’énergie hydroélectrique dont elle avait besoin pour ses machines.
600 kg de soie produits par jour
Elle importait d’Angleterre, d’Italie et d’Extrême-Orient des déchets de soie, appelés bourrettes. Ces déchets étaient peignés ; les nouveaux déchets engendrés étaient appelés schappes et étaient, à leur tour, utilisés. Le peignage avait lieu à Bellegarde et le filage à Thizy ; les fils de soie ainsi obtenus pouvaient constituer des tissus très solides. 120 ouvriers produisaient 600 kg de soie, par jour, dans un bâtiment de 3 500 m2 environ. Toutefois, ce dernier fut victime d’un incendie, dès février 1905. L’ouvrier Zina (ou Cinna ?) qui avait donné l’alerte fut retrouvé mort par les pompiers ; il laissa orphelins 4 enfants qui avaient déjà perdu leur mère. Le sinistre provoqua également de fortes pertes financières D’après un texte de 1922, l’usine n’employait plus qu’une quarantaine d’ouvriers. La crise des années 1930 lui fut fatale : en 1934, son terrain était vendu et partagé entre la papeterie Darblay et la mairie. La première put ainsi étendre son nouveau bâtiment et la seconde put créer des terrains de sport.
Les industries du plateau
Cette vue (photo ci-dessous), prise probablement depuis Bellevue, et datée de 1912, montre bien l’emprise spatiale des filatures, sur le plateau de Bellegarde, à la fin de la Belle Epoque. Son explication schématisée, dessinée par Michel Blanc (croquis ci-dessous), permet de mieux la comprendre. Le développement de l’énergie hydroélectrique sur le Rhône, dont on voit le transformateur en bas à gauche, a attiré de nombreuses entreprises. Le système de la télémécanique a été abandonné, mais il en subsiste les piliers des deux lignes. Plusieurs d’entre eux sont encore conservés aujourd’hui.
Les plus grandes usines dominent le paysage. Au premier plan, après les jardins ouvriers la filature Bourette et Schappe, puis la papeterie Darblay, la filature de la Ramie, la filature de la Lorze. Enfin, en arrière-plan, les usines d’électrochimie et d’électrométallurgie d’Arlod et leurs fumées.
Selon les recensements, la ville comptait 3 953 habitants (dont 10 % environ d’étrangers) en 1911 et son agglomération, avec Coupy et Arlod (qui constituaient alors des communes distinctes), plus de 5 000.
Près de 50 % de la population active était employée dans le secteur secondaire. Au fond à droite, on distingue les « trois maisons » : ce furent les premiers logements ouvriers construits dès l’époque de la compagnie anglaise et des premiers projets de développement industriel de la ville. Ils ont été ensuite été achetés par la Lorze, qui y logeait une partie de ses employés.