Avant de céder la parole au prévenu, Laetitia Bourachot, la juge, lui rafraîchit la mémoire avec les faits : « Le 19 octobre, rapporte-t-elle, les policiers observent une voiture passer à vive allure. Ils constatent dans un premier temps que le permis du conducteur a été annulé. Constatant une odeur caractéristique, ils fouillent le véhicule et tombent sur deux cigarettes artisanales et un morceau de résine de cannabis. » Très calme, et choisissant bien ses mots, le jeune homme se défend : « Tout ça est exact, madame le juge. Je le reconnais. Mais je peux tout expliquer. J’ai repassé mon permis en 2020 et ne dispose pas aujourd’hui d’un document officiel car entre-temps, la responsable de l’auto-école a perdu mon dossier avant que je ne rencontre des problèmes administratifs. J’ai tous les justificatifs à votre disposition. Quant au cannabis, c’était du CBD. » « L’odeur dans la voiture, c’était ça ? » « Oui, le produit se trouve aussi en résine. » « Mais les tests salivaires détectent bien la présence du THC que l’on retrouve dans le cannabis, pas dans le CBD ! » « Depuis, j’ai eu le temps de faire des recherches pour comprendre, lâche Donovan. J’achète mon CBD à Chambéry. J’ai interrogé le magasin, lui-même se fournit en Suisse où le taux de THC est à 7, contrairement à la France où il est à 3. » « Certes, admet la juge, mais en France, la réglementation, c’est 3, pas 7 ! » « Ça, je ne le savais pas madame, je l’ai acheté dans un cadre légal ! ».
« Mon client est de bonne foi »
La magistrate aborde alors son casier judiciaire, déjà 23 mentions pour vols, violences, trafics de stupéfiants… Elle note aussi que le juge d’application des peines déplore un manque d’implication dans le respect de ses obligations. Ce que réfute Donovan, expliquant les processus engagés, le CDI décroché : « J’ai 29 ans, deux enfants. »
« A l’entendre, s’agace la procureure Jean Ailhaud, il a un comportement exemplaire. Le pharmacien biologiste a bien indiqué que les analyses avaient détecté la présence de THC, même si, a-t-il précisé, le CBD, cela peut être comme le panaché : si on en consomme beaucoup, on finit par être positif ! » À propos du permis, il a regretté qu’il rejette la faute « sur untel ou untel, la vérité, c’est qu’il ne l’a pas ! » Il a demandé 3 mois de prison plus la révocation d’une peine de 2 mois, soit 5 mois ferme avec mandat de dépôt. Le casier ne plaidant, il est vrai, pas en sa faveur.
Maître Rey n’a contesté ni le casier de son client, ni son passé de consommateur. Par contre, elle a insisté sur sa bonne foi : « Il vous a donné le nom du magasin à Chambéry où il a acheté son CBD, tout comme il vous a expliqué toutes les démarches entreprises pour son permis qui est en cours d’édition. Il ne se fait pas d’illusion, il sera condamné, mais il a fait énormément d’efforts dans sa vie, n’anéantissez pas tout avec un mandat de dépôt. Une peine sous bracelet électronique lui permettrait de préserver son emploi ! »
Un peu à la surprise générale, le prévenu a été relaxé pour la consommation de stupéfiants « car nous avons jugé que vous étiez de bonne foi. »
Il a par contre été condamné à 100 jours amende à 10 € pour l’absence de permis.