Machilly : Michel Hollard, le résistant français qui a sauvé Londres

Juste après la guerre, Michel Hollard montre, pour un reportage, comment il franchissait la frontière franco-suisse en Franche-Comté.
Juste après la guerre, Michel Hollard montre, pour un reportage, comment il franchissait la frontière franco-suisse en Franche-Comté.

Durant la Seconde Guerre mondiale, il y eut des hommes à l’héroïsme précoce, tels ces 128 pêcheurs de l’île de Sein qui, dès juin 1940, ont rejoint de Gaulle et l’Angleterre pour poursuivre le combat contre l’occupant nazi. Moins connu, Michel Hollard (1898-1993) est de cette trempe-là. Ce valeureux combattant de la Grande Guerre n’accepte pas la capitulation française.

Une idée précise derrière la tête

Bien décidé à résister, cet ingénieur de 42 ans quitte son emploi au Centre d’Études de Mécanique, Balistique et Armement, à Paris, quand il découvre que cette société travaille pour l’occupant. Il se fait ensuite engager par la maison Gazogènes Autobloc, où sa fonction de représentant lui offre une couverture idéale pour voyager librement en France. Car notre homme a une idée derrière la tête : rejoindre la Suisse et prendre contact avec l’ambassade britannique, dans le but de créer un réseau de résistance. Sous couvert de reconnaître des coupes de bois dans le Jura, permettant d’alimenter les gazogènes, le voici qui arrive à vélo au mont Châteleu (Doubs), proche de la frontière. Grâce à l’exploitant forestier Paul Cuenot, sa première « recrue », Hollard passe en Suisse le 22 mai 1941 et peut contacter l’ambassade britannique installée à Berne. L’accueil est plutôt frais de la part des militaires helvètes et des diplomates anglais, mais sa force de conviction et les renseignements qu’il apporte vont rassurer ses interlocuteurs. Notre homme peut dès lors commencer à constituer son réseau de résistance, baptisé « Agir ».

Un réseau qui s’étend rapidement

Ces missions à travers la France lui permettent d’étoffer son groupe au hasard de ses voyages. Il recrute des garagistes, des agents des chemins de fer, des gens très divers, tous bénévoles et connus de lui seul. Se fiant à son intuition pour le choix de ses agents, il va ainsi engager une centaine de personnes, qui vaqueront à leurs occupations normales tout en collectant des renseignements sur l’ennemi. Un chef de gare lui fournissait un rapport sur les trains militaires, un aubergiste écoutait les jeunes aviateurs allemands du terrain voisin. Centralisant toutes ces précieuses informations, Hollard effectue ainsi une cinquantaine de voyages vers la Suisse, passant le plus souvent par le mont Châteleu, où la ferme de la famille Cuenot sert de code secret (porte ouverte : passage libre ; porte fermée : danger, patrouille allemande). Ses différents points de franchissement de la frontière s’étendront sur une distance de 150 kilomètres, entre la Franche-Comté et la Haute-Savoie.

À Machilly, un combat avec un berger allemand

Dans le Genevois, c’est notamment du côté de Machilly qu’il va entrer en Suisse à plusieurs reprises. L’un de ces passages, en 1942, aurait pu lui être fatal.

L'une des rampes de lancement des bombes volantes allemandes V1, découverte en 1943 en Normandie.

Une malheureuse rencontre

Dans les bois de Machilly, alors qu’il s’apprête à franchir la frontière hérissée de barbelés, un berger allemand lui fonce dessus et plante ses crocs dans sa jambe. Par chance, devant se changer une fois en Suisse, Michel Hollard portait deux pantalons l’un sur l’autre. Après un furieux corps à corps, il réussit à se dégager en frappant l’animal avec un morceau de bois. Alors qu’il retombe en Suisse après s’être jeté par-dessus les barbelés, une sommation retentit : « Waffen nieder ! » (Bas les armes). Soudain il voit devant lui un garde-frontière suisse mettant en joue deux soldats allemands qui, de l’autre côté de la frontière, allaient l’abattre sans hésiter !

Son plus bel exploit

Le plus bel exploit de Michel Hollard reste la découverte, au printemps 1943, de sites de lancement des bombes volantes allemandes V1, destinées à rayer Londres de la carte. L’un de ses agents, Jean-Henri Daudemard, ingénieur des chemins de fer à Rouen, a repéré la construction de structures inhabituelles en Haute-Normandie. Déguisé en pasteur, Hollard se rend sur place, avant de ramener à Berne la liste d’une grande partie de ces bases de lancement. À partir de décembre 1943, grâce à ces précieux renseignements, beaucoup de ces sites seront bombardés par la Royal Air Force, limitant les attaques sur l’Angleterre et sauvant Londres d’un terrifiant déluge de feu.

Trahison et postérité

Le 5 février 1944, trahi par un agent récemment recruté, Michel Hollard est arrêté à Paris par la Gestapo. Torturé, il est déporté au camp de concentration de Neuengamme où il va vivre un enfer. En avril 1945, il est sauvé de justesse par une mission humanitaire de la Croix-Rouge suédoise, qui l’exfiltre du camp. Après la guerre, surnommé « l’homme qui a sauvé Londres » par le général anglais Bryan Horrocks, Michel Hollard sera fêté à Londres et décoré du prestigieux Distinguished Service Order. En France, il est honoré par plusieurs villes (rues, places, etc.) et un Eurostar, symbole franco-anglais par excellence, a été baptisé de son nom en 2004.