Robert Vernet est né à Morzine, à 500 mètres de son domicile actuel, au début des années 50. « Jusqu’à l’âge de 10-15 ans, j’étais peu doué de mes mains », prétend cet artiste autodidacte, aujourd’hui capable de véritables prouesses dans de nombreux domaines. Pourtant, à 8 ans, il sculpte sa première chouette en bois. « Je courais dans les forêts et j’adorais regarder les oiseaux », justifie-t-il.
Sa scolarité n’est pas exemplaire, « mais je me suis réconcilié avec l’école en CAP menuiserie », sourit-il. Dès 16 ans, Robert Vernet travaille, pendant les vacances, à l’entretien des pistes à Avoriaz. Après sa scolarité, il est pisteur-artificier, et, hors saison, il se consacre au bûcheronnage et à l’apiculture. Il voyage le plus souvent possible, et la passion des oiseaux ne le quitte pas. Il devient fauconnier-aspirant. « J’ai failli ouvrir une volerie mais ça n’a pas abouti, regrette-t-il. Je suis même allé au Pakistan en voiture en 1973 chercher un faucon, parce que l’espèce était en voie de disparition. »
Création de bijoux
En 1976, au fond d’une vallée de Morzine, il construit un chalet dans lequel il vit et ouvre un restaurant, qu’il gère avec ses frères quatre années durant.
Parallèlement, il commence en 1978 à créer des bijoux en or et argent, et il continue de sculpter. « Au début des années 1980 , je me suis mis à exposer mes œuvres, des saints, des vierges et des petits objets, devant chez moi et sur des foires, se souvient-il. Je faisais aussi des démonstrations en public. ». Des hôtels lui achètent des pièces, il commence à vivre de ses sculptures.
Sur les pistes de ski, en 1987, il fait la connaissance d’une personne qui lui commande plusieurs œuvres. Elle se prénomme Martine et deviendra son épouse.
Troquer le bois pour le bronze
Les cordes de l’arc de Robert Vernet sont multiples : il fabrique aussi du mobilier en bois et métal. Ainsi, avec Martine, ils aménagent, entre 1992 et 1994, l’intérieur de la ferme de Roger Vadim aux Gets. Les commandes affluent. « Réalisations, rénovation, décoration, on prenait tout ce qu’on nous demandait », affirme le Morzinois.
Pour un cadeau qu’elle souhaite offrir, Martine Vernet suggère à son mari de troquer le bois pour le bronze. Les expositions des bronzes s’enchaînent à Paris, Bâle, Monaco, Bruxelles ou encore New York.
Depuis 5 ans, l’artiste travaille l’acier. « Ça me permet faire des choses plus caractérisées, c’est finalement ce qui me correspond le mieux. »
Robert Vernet a réalisé des centaines de sculptures en bois, pierre, bronze, marbre ou acier. Sa dernière œuvre, ‘‘Un aigle sur Nyon’, sculpture monumentale achevée en septembre 2022, est visible à 2 000 mètres d’altitude, à la pointe de Nyon, à Morzine.
La société Arts-Sciences-Lettres vient de décerner un prix au sculpteur morzinois Robert Vernet. Fondée à Paris en 1915, par René Flament, cette société savante (privée) récompense des personnes pour leur savoir-faire et leur talent artistique, scientifique ou littéraire. Ainsi, Frédéric et Irène Joliot-Curie, Georges Duhamel ou encore Paul Belmondo ont été médaillés. Chaque année, une grande cérémonie a lieu, au cours de laquelle les récipiendaires reçoivent leur distinction. Le 15 octobre dernier, Robert Vernet recevait, à l’hôtel Inter Continental, à Paris, la médaille d’argent pour ses œuvres en acier. S’il reconnaît être heureux de cette reconnaissance, il précise, en toute humilité : « J’étais entouré de tellement de gens méritants, je me suis vraiment senti modeste face à certains qui consacrent leur vie entière à leur œuvre scientifique ou artistique. »
Le 21 juillet dernier, la passerelle Le pas de l’Aigle, située à la pointe de Nyon, à 2 000m d’altitude, avait été inaugurée en grande pompe, à Morzine.
Les personnes présentes avaient alors assisté à une scène rare et insolite : un hélicoptère de la compagnie Blugeon transportant un gigantesque aigle en acier, puis le déposant délicatement, sous la passerelle.
Les invités découvraient alors l’incroyable œuvre de Robert Vernet, sculpteur morzinois. La sculpture avait été commandée par Bruno Muffat, directeur général de la SA Pleney, société gestionnaire des remontées mécaniques de Morzine.
Pour sa réalisation, Robert Vernet a travaillé d’arrache-pied pendant plus de six mois, 6 jours sur 7 (la tête, à elle seule, a nécessité deux semaines entières). L’œuvre est constituée de feuilles d’acier de 2,5 et 3 mm d’épaisseur, la structure intérieure est en inox plat. La réalisation consiste principalement en du martelage.
Un grand espace étant nécessaire, le sculpteur fut contraint de travailler en extérieur. Le Morzinois a commencé son aigle en janvier 2022, bravant les températures montagnardes hivernales, rendant encore plus contraignante la manipulation de l’acier. L’aigle, qui tient dans ses pattes un chevreuil, ne mesure pas moins de 3,50 mètres d’envergure et pèse 500 kg.
Après l’installation de la sculpture, restait à parfaire le socle. Mi-septembre, Robert Vernet est monté chaque jour à Nyon pendant une semaine pour terminer définitivement l’œuvre monumentale.
« C’est une œuvre de grande qualité artistique, souligne Paul Voiron, président du conseil d’administration de la S.A. Pleney, lors de l’inauguration du Pas de l’Aigle, et pour moi, elle deviendra un chef-d’œuvre de l’art contemporain en montagne. »