Orages meurtriers : la tempête corse aurait-elle pu être mieux anticipée ?

Jeudi 18 août, de violents orages ont déferlé sur la Corse, causant la mort de cinq personnes.
Jeudi 18 août, de violents orages ont déferlé sur la Corse, causant la mort de cinq personnes. - Photo d’illustration - Flickr

« Après le temps de la gestion de crise, vient maintenant celui, indispensable, de l’analyse de fond et du retour d’expérience  ». Dans un communiqué partagé dimanche 21 août, le conseil exécutif de la collectivité de Corse alerte sur « les indispensables leçons à tirer  » des orages meurtriers survenus jeudi matin sur l’île de Beauté.

La question se pose alors : aurait-on pu « mieux anticiper l’arrivée de cet orage d’une violence exceptionnelle » ? En effet, quelques minutes avant le début de la tempête, les départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud n’étaient pas en vigilance orange, mais en vigilance jaune uniquement. Prenant les prévisionnistes de court, des rafales à plus de 200 km/h ont balayé l’île, causant la mort de cinq personnes et blessant des dizaines d’autres.

Une situation « exceptionnelle » selon Météo France

Pointé du doigt pour son alerte tardive, Météo France s’est rapidement défendu. Lors d’un point presse tenu jeudi 18 août, après la tempête, Christophe Morel, le responsable de la permanence prévision a expliqué que de puissants orages étaient prévus en mer, en tout début de matinée, pouvant « très temporairement affecter les côtes ouest et nord  » de la Corse.

Seulement, du fait de l’entrée des perturbations à l’intérieur des terres et des rafales particulièrement violentes, l’organisme a mis à jour son alerte. « On a été surpris par les valeurs des rafales, tout à fait exceptionnelles qui n’avaient jamais été observées auparavant, qui ont été observées sur le continent  », a ajouté Christophe Morel.

Les orages sont difficiles à prévoir

Sur les réseaux sociaux, certains prévisionnistes s’indignent, soulignant que la tempête avait été décelée dès mercredi midi, soit près de 24 heures avant les orages. Ils s’appuient alors sur un modèle établit par l’outil de mesure Arome – utilisé par Météo France et d’autres organismes météorologiques – suggérant effectivement un phénomène proche de ce qui a pu être finalement observé en Corse.

Mais Météo France souligne que le modèle Arome reste un logiciel imprécis. « Certains modèles d’Arome pouvaient laisser suggérer mercredi des orages tels qu’ils se sont produits  », a reconnu François Gourand, ingénieur prévisionniste à Météo France. « Mais ça ne s’est pas retrouvé après  », a-t-il expliqué, ajoutant que les modèles suivant prévoyaient des orages localisés en mer.

Face à des modèles limités, les prévisionnistes sont également confrontés à un dilemme, devant parfois choisir entre « sous-alerter » et « sur-alerter ». « Si à chaque simulation très costaude on mettait des vigilances orange, on aurait toute la France en vigilance orange », a affirmé François Gourand.

Une enquête en cours

Dans son communiqué partagé dimanche, le conseil exécutif de Corse questionne également « la baisse des effectifs au sein de Météo France » qui auraient pu diminuer « la qualité de la surveillance, notamment en période nocturne ». Il y a un an, un rapport sénatorial pointait justement la suppression d’un quart des effectifs dans l’organisme en l’espace de dix ans. Une problématique également soulevée par les prévisionnistes.

Lors de son déplacement en Corse, jeudi et vendredi, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a promis qu’une enquête serait commandée à la Sécurité civile afin de « répondre à toutes ces questions  ». De son côté, Emmanuel Macron s’était exprimé à ce sujet vendredi, lors de son déplacement à Bormes-les-Mimosas (Var), déclarant que « nous devrons repenser nos systèmes d’alerte et de sécurité  ».