Les oiseaux du Léman sous observation

Le harle bièvre, ici observé par un membre de la LPO Haute-Savoie
Le harle bièvre, ici observé par un membre de la LPO Haute-Savoie

Des espèces les plus communes aux rencontres rares, les journées de comptage organisées par la Ligue de protection des oiseaux Haute-Savoie (LPO 74) sont avant tout l’occasion de faire le point sur les populations d’oiseaux d’eau qui vivent à l’année, ou passent simplement l’hiver sur nos rives.

« Ce comptage est réalisé sur la totalité du littoral français du Léman, et selon les années, nous identifions lors de ces journées entre 20 et 40 espèces différentes », indique Stéphane Carr, coordinateur LPO/Wetlands lac Léman pour la LPO. Parmi les espèces communément recensées, les ornithologues ont relevé la présence du grèbe huppé, du harle bièvre, du canard colvert ou encore du grand cormoran. Des espèces présentes à l’année, tandis que d’autres ne le sont que durant l’hiver. « L’hivernage dure au minimum de décembre à janvier. Le lac devient alors un refuge pour les oiseaux migrateurs venus d’Europe du Nord Est. Nous observons des espèces communes, mais parfois nous avons de très belles surprises telle que la présence de grèbes à cou noir », confie le spécialiste. Un spécimen en particulier s’est fait remarquer, le tournepierre à collier. Observé depuis l’hiver 1998, un unique spécimen (le débat n’est pas clos quant à la possibilité qu’il s’agisse toujours du même oiseau) a pu être observé de 1998 à 2021. Un fait marquant pour les naturalistes du bassin lémanique, qui possède son lot d’oiseaux rares sur le territoire.

Un hivernage toujours possible malgré les difficultés

Si les premières missions de comptage ont commencé en 1967, le nombre d’oiseaux que l’on décomptait sur le Léman à l’époque et les chiffres actuels sont bien différents. Lors des premières missions menées par la LPO, les ornithologues ont comptabilisé des milliers d’oiseaux d’eau, notamment de la famille des canards, rien que sur la baie d’Excenevex. À l’heure actuelle quelques centaines sont comptées chaque année. « Il faut remettre les choses dans leur contexte. À l’époque la baie était encore sauvage, et comptait une zone marécageuse et des roselières. Mais durant les années suivantes, les rives ont été de plus en plus aménagées, les espaces naturels détruits, et les loisirs de plus en plus présents tout au long de l’année. L’omniprésence de l’homme a donc réduit le nombre d’espaces naturels disponibles pour les oiseaux de passage en hiver », explique Stéphane Carr. Mais au-delà de la présence de l’homme, la qualité des eaux du Léman, ou encore celle de la flore aquatique sont également des facteurs qui ont participé à la baisse de ces chiffres toujours surveillés de près.

Quelques conseils pour les ornithologues amateurs

Si vous n’avez pas la possibilité à participer au comptage de ce week-end, ou à d’autres sorties proposées durant l’année par la LPO Haute-Savoie, Stéphane Carr à quelques conseils à vous prodiguer pour vos observations en autonomie. « La règle de base c’est de se fondre dans le décor et de se faire aussi discret que possible. On ne sait pas si les oiseaux voient les couleurs, mais par précaution, il faut porter des vêtements de teintes que l’on trouve dans la nature, et rester très tranquille. » Ainsi selon le spécialiste vous pourrez approcher certains spécimens, mais il faudra tout de même rester à distance pour ne pas les déranger. Le membre de la LPO attire l’attention sur un autre point majeur : « Il ne faut surtout pas donner de pain aux oiseaux d’eau. Les oiseaux passent leur temps à chercher à manger, mais cela fait partie de leur vie. Si on leur donne du pain, ils arrivent à la sensation de satiété, sans tirer aucun nutriment. Cette nourriture n’est en rien adaptée ni bénéfique pour eux, c’est un véritable poison en réalité. »

Un comptage complexe mais précieux

Les sorties de comptage sont à la fois une source d'informations locale et européenne.

Le samedi 15 janvier, la Ligue de protection des oiseaux Haute-Savoie (LPO 74) organise une sortie comptage des oiseaux présents sur le Léman, permettant de déterminer l’évolution de la population durant la période d’hivernage. Pour Stéphane Carr, coordinateur LPO/Wetlands Lac Léman pour la LPO, cette sortie est capitale. « Durant ces journées, nous récoltons des informations précieuses qui nous permettent à la fois de mieux connaître les espèces, mais aussi de mieux comprendre leur fonctionnement notamment au niveau des migrations. Nous comptons tous les oiseaux que nous pouvons voir, identifions leur espèce, leur sexe, et leur âge », explique le spécialiste. Si la sortie de comptage rassemble des ornithologues expérimentés, les amateurs sont les bienvenus.

Des comptages à l’image de celui organisé sur les rives du Léman sont réalisés à travers toute l’Europe, avant que les données ne soient retransmises à l’ONG Wetlands International. Ce travail permet aux scientifiques de prévoir la protection de certaines zones prisées des oiseaux et précieuses dans des territoires très peuplés par l’homme, à l’image du Chablais. « Grâce au comptage, nous pouvons cerner avec précision les zones affectionnées par les oiseaux durant l’hivernage. Ainsi, les rives entre Hermance en Suisse et la plage de Tougues à Chens-sur-Léman ont été classées site Natura 2000. La plage d’Excenevex est également protégée. Mais tout est relatif, on ne peut pas contrôler tous les comportements humains, et malheureusement, nous avons constaté la présence de moto-cross, sur la plage d’Excenevex notamment. Ces actions humaines ont pour conséquence le dérangement des oiseaux qui vont devoir s’envoler. Cela cause un véritable épuisement. S’ils sont sans cesse dérangés, cela peut décider les oiseaux à ne pas revenir sur nos territoires l’hiver suivant », souligne Stéphane Carr.

Pour s’inscrire à la sortie du 15 janvier, contactez Stéphane Carr à l’adresse email suivante : stephane.carr@gmx.com