Une arme de poing factice, qu’il portait à la ceinture devant ses proches pour asseoir sa « crédibilité ». Une veste de montagne estampillée gendarmerie, retrouvée dans ses effets personnels, qu’il avait en fait subtilisée à un des militaires qu’il avait côtoyé. De fausses procédures menées hors de tout cadre légal, de vrais témoins entendus juste pour « s’entraîner », des fichiers sensibles consultés sans autorisation… Pendant plus d’un an, entre décembre 2017 mai 2019, un jeune réserviste de la gendarmerie de Thônes, 21 ans aujourd’hui, a – très largement – dépassé les prérogatives qui lui étaient confiées, en se faisant passer pour un militaire professionnel. Il comparaissait vendredi 8 novembre devant le tribunal correctionnel d’Annecy pour répondre de ses actes.
« Jouer au gendarme »
Au moment où l’affaire éclate au printemps dernier, ses supérieurs se rendent compte de l’ampleur de la supercherie : dans des cartons retrouvés chez les personnes qui avaient hébergé le prévenu, Geoffrey M., se trouvent des quantités astronomiques de matériel qui n’avaient rien à faire hors de la gendarmerie, et encore moins entreposés sans surveillance chez un tiers. Kits de prélèvements ADN, carnet d’immobilisation de véhicules, bombe lacrymogène, veste d’hiver siglée, emplois du temps des gendarmes, fiches de diffusion… Le jeune homme s’était appliqué à détourner un nombre important d’effets, non pas par « appât du gain » comme l’a souligné la vice-procureure, mais pour « jouer au gendarme », une fois de retour chez lui. Il officiait du côté de Saint-Jean-de-Sixt, en renfort pour la saison d’hiver.
L’affaire aurait pu en rester là s’il n’avait pas mené également des interrogatoires factices dans une affaire qui impliquait sa logeuse du moment, dépressive au moment de l’usurpation, et qui a fini par déposer plainte contre lui pour abus de faiblesse.
Profonde immaturité
Peu bavard à la barre, le prévenu a expliqué qu’il avait agi de la sorte « pour s’entraîner », et qu’« à la base ce n’était pas méchant ». Il a reconnu qu’il avait été incapable d’avouer à ses proches qu’il n’était pas un vrai gendarme, mais un simple réserviste. Une expertise psychiatrique a mis en lumière chez le prévenu « une intelligence tout à fait normale » mais une profonde immaturité, guidé qu’il était par ce « désir infantile » d’être un gendarme coûte que coûte, quitte à trahir ses proches.
Sans « dépasser les bornes » comme il l’a fait, il aurait pu prétendre à une carrière dans la gendarmerie, qui était son « rêve d’enfant ». Le tribunal correctionnel a mis fin à ce rêve : il lui est interdit définitivement d’exercer cette profession, il est condamné par ailleurs à un an de prison avec sursis et devra rembourser ses victimes, parmi lesquelles figure la gendarmerie nationale elle-même, partie civile dans ce dossier hors norme.